La commune de Saint-Vaast-la-Hougue abrite un patrimoine exceptionnel représenté par ses deux tours Vauban, à la Hougue et sur Tatihou, inscrites à l’Unesco en 2008 dans le cadre du Réseau des Sites majeurs de Vauban, avec 11 autres sites français, représentant chacun une facette de l’œuvre du célèbre poliorcète. Conjuguant l’observation et le tir à la mer, les tours de Saint-Vaast constituent l’archétype des tours tronconiques de défense côtière, à batteries hautes.

Origine des tours

La frontière de mer du Cotentin prend toute son importance sous le règne de Louis XIV, avec la volonté de Vauban de mettre ce littoral en sécurité, car les coups de main ennemis contre notre côte s’intensifient au cours de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697) qui oppose la France à la majeure partie de l’Europe. Ainsi, en 1692, après une bataille de ligne tout à son honneur au large de Barfleur, le vice-amiral Tourville perd, les 2 et 3 juin, pratiquement sans coup férir, douze de ses vaisseaux incendiés par les brûlots anglais et hollandais, alors qu’ils étaient venus se réfugier sous l’île Tatihou et à la pointe de la Hougue, insuffisamment protégées.

Cet épisode, passé à la postérité sous l’appellation « Bataille de la Hougue », décide le roi à accorder à Vauban les subsides nécessaires pour renforcer la défense de Saint-Vaast.  Le principe est arrêté dès 1693, et c’est à Benjamin Decombes que Vauban confie la tâche de faire bâtir deux tours dans le but de protéger la baie en rendant impossible tout débarquement grâce, notamment, au tir croisé des batteries.

Distantes l’une de l’autre, de 2,750 kms à vol d’oiseau, les tours s’élèvent à 20 mètres au-dessus de leurs fondations, mais elles se distinguent par leur silhouette : plus massive pour Tatihou qui a les pieds dans l’eau à marée haute et comporte 10 embrasures sur sa plate-forme de tir, plus élégante pour la Hougue qui s’élève sur son promontoire de granit si bien que la terrasse de tir à 6 embrasures culmine à 40 mètres au-dessus du niveau de la mer.

La construction des deux tours est achevée en 1699, lorsque Vauban effectue sa dernière visite en Cotentin. Elles s’intègrent alors totalement dans le système défensif côtier du Ponant. L’épreuve du feu a lieu en août 1708, lors d’une tentative de descente anglaise sous la Hougue, déjouée grâce au fameux tri croisé. Cet épisode prouve l’intérêt de la construction des deux tours, car les Anglais ne tenteront plus aucune descente sur le rivage saint-vaastais.

Le fort de la Hougue et sa tour Vauban

Le fort de la Hougue a évolué au fil du temps, en fonction notamment des progrès de l’artillerie et a donc fait l’objet de plusieurs réorganisations militaires, dont la dernière a été son incorporation au Mur de l’Atlantique pendant la seconde guerre mondiale, ainsi qu’en témoignent les nombreuses constructions et postes de tir.

A partir de 1858, l’introduction de l’artillerie rayée et l’abandon du boulet obligent à revoir les principes de fortification. Toutefois, cela ne provoque qu’une lente modification des ouvrages de défense côtière. En 1875, la batterie de la pointe du fort de la Hougue est déclassée car devenue trop vulnérable. Trois nouvelles batteries sont aménagées entre 1878 et 1881 : l’une se situe sur le front est, la deuxième sur le front ouest et la dernière au pied de la tour, actuellement occupée par le sémaphore de la Marine nationale. On voit encore une partie des épaulements du bastion est. L’introduction de l’obus-torpille à partir de 1885, malgré ses effets destructeurs, n’entraîne que peu de travaux à la Hougue, à l’exception du creusement d’un profond abri-caverne à usage de magasin à poudre.

Désormais, le fort de la Hougue n’assure plus de fonction militaire, excepté la présence du sémaphore.  Quant à la tour, jadis gage de défense, elle fait office de sentinelle pacifique qui a conquis le regard de nombreux peintres.

Depuis l’inscription à l’Unesco de la tour Vauban, en 2008, le fort est divisé en trois parties bien distinctes afin de permettre les visites qui s’effectuent par une porte latérale, la Porte aux Dames. L’accès au public se fait en empruntant le chemin aménagé le long de la fortification ouest, à l’occasion de la restauration du fort, en 1991.

Construite dans la partie centrale du fort de la Hougue, sur le promontoire le plus élevé dont elle a pris le nom (du norrois haugr- signifiant hauteur, élévation), la tour Vauban de la Hougue comporte trois niveaux de salles auxquelles on accède par un escalier en vis abrité dans une tourelle hors œuvre accolée au flanc nord-ouest. Le puits de l’escalier est protégé par une guérite à coupole semi-hémisphérique.

La terrasse sommitale est constituée d’une plate-forme d’artillerie protégée par un parapet crénelé dont les six embrasures pouvaient recevoir autant de canons.

La tour est accessible au public grâce à une convention signée entre le ministère de la Défense, propriétaire du lieu et la ville de Saint-Vaast.

Pour l’été 2024, les jours et horaires d’ouverture sont les suivants :

  • Du mardi au dimanche, de 13h 30 à 18h 00

L’île Tatihou et sa tour Vauban

L’île Tatihou, située au large de Saint-Vaast-la-Hougue constitue un espace naturel de 28 hectares appartenant au Conservatoire du littoral depuis 1988 et géré par le Conseil départemental de la Manche depuis 1990.

Un bateau amphibie assure la liaison entre Saint-Vaast et l’île qui propose au public l’accès à ses jardins, son musée, ses hébergements et bien entendu, à sa tour Vauban. Cette dernière est située au sud-est de l’île, à l’angle du réduit bastionné réaménagé au XIXe siècle.

Lors de sa dernière visite à Saint-Vaast, Vauban précise qu’un gros retranchement de terre gazonnée et palissadée entoure l’île et relie trois redoutes en terre dont l’état laissait toutefois à désirer en 1699. On notera qu’une butte de terre d’une dizaine de mètres de haut, vestige de la redoute du nord, est encore visible de nos jours à l’angle nord-ouest de l’île. Vauban est surtout intéressé par la ferme retranchée qui se situait à l’angle sud-est de l’île, au bout de laquelle venait d’être achevée une « grosse tour ronde entourée d’un fossé ».

La ferme retranchée a évolué avec le temps et a été transformée au cours de la seconde moitié du XIXsiècle en réduit terrassé bastionné, entouré de douves Des casernes, des magasins, une énorme poudrière et une chapelle ont complété l’ensemble. Édifiée en 1714 et consacrée à saint Clément, patron des marins, la chapelle constitue, après la tour, le bâtiment le plus ancien de l’île. Désaffectée sous la Révolution, elle est devenue un magasin à poudre au XIXe siècle.

La tour de Tatihou, plus imposante que celle de la Hougue, constitue une véritable tour de défense, une tour à la mer lorsque celle-ci bat son plein. Edifiée sur le même principe que sa voisine, elle en possède les mêmes caractéristiques, à l’exception du gros pilier central maçonné dont il a fallu la doter afin de soutenir la voûte sommitale.

De même, le rez-de-chaussée est occupé par quatre magasins ; l’un servait d’entrée, un autre de magasin à salaison. Les deux autres, à usage de magasin à poudre ont été cloisonnés peu avant la Première Guerre mondiale pour faire office de cellules.

Un glissement de fonctionnalité des tours Vauban s’opère dans la deuxième moitié du XIXe siècle : leur rôle militaire est dépassé et elles deviennent source d’inspiration pour les peintres qui commencent à fréquenter notre rivage.

Annick Perrot